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Archives de Tag: Palais Royal

Verlet

Verlet

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Vous êtes-vous déjà promené dans le jardin du Palais-Royal à Paris ? Ça y sent bon le café grillé, non ? Eh bien c’est grâce à Verlet. Verlet est une boutique de cafés et thés de la rue Saint-Honoré mais sa brûlerie est toute proche du jardin, ce qui explique que le doux parfum de torréfaction envahisse toute sa partie ouest. La maison existe depuis 1880. Au début, Auguste Woehrlé avait ouvert une épicerie qui ne proposait que peu de café entre riz, épices et thés. C’est en 1921 que ses successeurs ont commencé à se spécialiser et ont proposé dès1965 des cafés de terroirs.

Depuis 1995, Eric Duchossoy, neveu de Pierre Verlet,

Eric Duchossoy

Eric Duchossoy

lui-même petit-fils d’Auguste (le nom a reçu une nouvelle orthographe entre-temps), a pris la direction de la petite entreprise en continuant le travail de ses ascendants, prospectant, découvrant et torréfiant des cafés de plantations, ce que les torréfacteurs pointus font pratiquement tous à l’heure actuelle ; mais à l’époque, chez les producteurs, il n’était en concurrence qu’avec des torréfacteurs japonais.

Je lui demandai si depuis presque vingt ans qu’il exerçait à Paris (avant cela, il a fait ses armes et s’est confirmé au Havre), il avait vu une évolution des habitudes de consommation. « Bien-sûr, me répondit-il. Il y a une quinzaine d’années, les parisiens (et les français) se sont mis à acheter leur café en supermarché, à bas prix, plutôt qu’en épicerie. Nous avons donc subi une chute des ventes. Cela est remonté quand Nespresso, il faut l’avouer, fit revenir au public quelques notions d’origines et aussi l’idée que le café avait un certain prix. A partir de là les torréfacteurs artisanaux ont vu leurs volumes de vente augmenter aussi » et, enthousiaste, il ajoute : « Et avec l’ouverture de toutes ces nouvelles brûleries, cela crée une effervescence qui profite à tous ! »

La salle

La salle

Et tout le monde de la torréfaction évolue en s’alimentant de jeunesse, de nouveauté et de baristi. Car depuis quelques années Eric travaille avec de jeunes baristi, pensant qu’ils sont la clef de la promotion du café d’excellence en portant le message de la qualité dans les bars, restaurants et hôtels. Avis que je partage en ayant une pensée pour le Réseau des Baristas de France récemment créé, mais je digresse…

Ce jour là, Claire Peté et Antoine Rouillé étaient de service. Antoine me présenta la salle où l’on peut déguster la trentaine de cafés différents proposés à la boutique. Cela représente une difficulté technique mais ça constitue un bon entraînement pour présenter les

Antoine me servant un Bourbon Saint-Hélène. très frais !

Antoine me servant un Bourbon Saint-Hélène. Très frais !

épreuves de championnats auxquels il participe, tout comme Claire. Ainsi, il a été finaliste aux derniers championnats de France de barista.

Verlet est une vénérable maison où l’on achète et où on déguste d’excellents cafés de terroirs, en espresso, torréfiés par un maître en la matière, servis par de jeunes baristi compétents dans un cadre aux boiseries sombres qui lui donne un charme d’époque mais pas suranné, très bien pour une halte thé/café/pâtisserie.

A part ça, on y trouve, entre-autres, toujours du thé et du poivre !

A l'étage

A l’étage

 Verlet: 256 rue Saint-Honoré, 75001 Paris

 
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Publié par le 2 juin 2014 dans Où boire les meilleurs cafés

 

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Ascenseur pour l’expresso (Episode 5)

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De [a-] à [-zel], troisième partie (1844-1855):
Le café «en grand»

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Au XIXe le café s’est popularisé de façon considérable en France et les établissements le servant se sont multipliés, inquiétant même le pouvoir qui devait secrètement espérer que tout ce bas monde prenne sa tasse de café à la maison plutôt qu’en parlant politique au café du coin. Mais ce sont plutôt les lois de la nature qui allaient contre la production d’excellent café «en grand». La nécessité de « faire le meilleur, le plus vite possible et de la façon la plus économique » est une équation difficile à résoudre, quel que soit le produit auquel il se rapporte. C’est pourtant la solution à ce problème qui est au cœur des paramètres qui ont participé à la naissance de l’expresso.

Les technologies proposées alors ont bien répondu tant bien que mal au «faire le meilleur de façon économique» mais celles-ci n’étaient jamais rapides… et demandaient aux limonadiers de préparer la boisson à l’avance en la gardant au chaud, ce qui en dégrade les qualités.
– Dans le cas de l’infusion à la Dubelloy, il est possible d’avoir en attente de grandes quantités d’eau chaude mais l’infusion est lente.
– Dans le cas des cafetières à vapeur sur le principe des « cafetières italiennes », l’extraction est rapide mais attendre que l’eau arrive à ébullition est tout aussi long. Vu la qualité des métaux et des soudures à cette époque, laisser l’ébullition en attente de l’extraction dans une chaudière fermée, exposait à des risques d’explosion non négligeables.

Pour la troisième méthode d’extraction (les cafetières à siphon), le café était bien préparé (soit-disant) « à la minute » mais seulement « sur table », pour quelques tasses. Attendre l’ébullition était peut-être plus distrayant mais tout de même assez long (voir la caricature plus bas). De toute façon, il était impossible pour les cafés d’utiliser autant de cafetières que de clients…

Le Tintamare 1 Le Tintamare 2
Dessin de Gustave Doré dans Le Journal pour Rire, 5 mars 1852 (source: « Gallica »)

Dans les faits, le développement des petites cafetières domestiques a certainement accéléré l’évolution de la préparation du café en grand, amenant au sein de la population une référence du bon café et rendant les clients plus exigeants. Finit le temps où on pouvait servir (littéralement) n’importe quel jus de chaussette ou faire passer de la chicorée pour du café… en tout cas auprès de certains, la boisson nationale était quand même toujours le café au lait, et le café frelaté étant assez répandu.

L'Eclipse
L’Eclipse, 1877 (source: « Gallica »)

Les cafetières de Romershausen et de Rabaut pouvait produire du café en grand, mais il n’est pas sûr que ces appareils aient été employés dans des établissements servant du café, leur configuration semblait plutôt faite pour un usage extérieur.

>1832<

Le premier à se préoccuper spécifiquement du café en grand dans les brevets français est Joseph-Patrice DU BOURG (résidant à Paris au 5, avenue des Champs-Élysées). «Jusqu’à ce jour, dans aucun pays, le caffé (sic) n’a été confectionné en grand et partout, dans les confections en petit, on a suivi des principes routiniers». Ainsi débute son brevet de 1832 (octroyé pour dix ans, ce qui est rare à l’époque) intitulé « méthode de préparation en grand du café à la vapeur ». Son brevet ne comporte pas de dessin mais juste une description. L’installation utilise, « dans un laboratoire », un générateur de vapeur, qui pousse de l’eau à travers un appareil contenant le café avec des grilles des deux côtés et une tuile métallique pour retenir la poudre de café. Le café est récupéré dans une chaudière doublée de porcelaine ou de faïence en son intérieur (pour ne pas altérer le goût du café et le tenir au chaud sans qu’il atteigne l’ébullition) et est servi par un robinet. Il est annoncé qu’il est possible de produire une quantité énorme de café en peu de temps : 18 à 20,000 tasses en 15 à 21 min avec 150 kilos de café ou 150,000 tasses en moins de 9h ! Le but affiché est la distribution de café dans tous les quartiers d’une ville, ce qui se faisait encore au début du XXe par des marchands ambulants.

Vendeuse de café 1Vendeuse de café à Paris en 1810

Vendeuse de café 2Vendeuse de café à Paris vers 1900

Le soucis est un soucis d’économie : « Au moyen de cette invention la tasse de café au lait sucré, première qualité, qui se vend 60 centimes sera livrée au public à 15 centimes. La double tasse caffé Moka (1/4 de litre) sans lait, y compris le sucre rafiné à 13 cent. ½ »
Il en profite pour se plaindre au passage des « gros droits de douane sur les sucres et les caffés », mais conscient que cela pourrait jouer contre lui, il précise dans une note, qu’en considérant les droits perçus, «cette invention et sa propagation augmentera de plusieurs millions les revenus annuels de l’Etat».

Du Bourg ¹

>1838<

Pierre-Médard GAUDICHON, dans son brevet de 1838 intitulé « moyen propre à faire du café, sans ébullition ni évaporation, et pour obtenir de cette fève tout l’arôme qu’elle contient » présente la toute première machine à «capsule» (c’est le terme employé dans le brevet). Des capsules pour du café en grand ? Enfin, pas n’importe quelle capsule, elle est rechargeable et a une taille imposante. C’est en fait une cafetière Morize (sur le principe de la cafetière dite «napolitaine»), qui se retourne sur un grand vase en porcelaine muni d’un robinet. Dans son «observation essentielle », à la fin du brevet, il précise que « l’appareil pour M. M. les limonadiers est le même sur une plus grande échelle». Il y ajoute aussi un système pour que l’eau repasse sur le marc afin de préparer plus de café (beurk). Je me demande comment ils faisaient pour ne pas s’ébouillanter dans la manœuvre de retournement…

Cafetière Gaudichon
Cafetière de Gaudichon, 1838 (source: « Archives INPI »)

Gaudichon ¹

>1847<

L’appareil proposé par André GIRAUD (distillateur liquoriste à Paris, 43, rue du Faubourg-Poissonnière) en 1847, commence à ressembler franchement aux premières machines à café «Express». Son système dit «condensateur, appareil chimique, pour la préparation du café et du thé», se compose d’une cuve en cuivre de 8 à 9 litres de capacité (pour la «Demie grandeur»), chauffée au bois, qui envoie de l’eau dans deux «porte filtres cylindriques de la profondeur de 15cm et 11 de diamètre à double compartiment armé de trois filtres métalliques» situés de chaque côtés de la chaudière. L’eau poussée à travers ces filtres contenant la poudre de café (ou du thé) passe ensuite par un serpentin pour condenser les vapeurs aromatiques et est récupéré dans deux récipients de cristal gradués, munis de robinets. Ces récipient sont placés dans un vase à bain marie avant le service. Il est spécifié que l’appareil peut produire 50 tasses (d’un côté le thé et de l’autre le café) en 45 à 50 minutes et ne consomme que 4 à 5 centimes de chauffage.

Cafetière Giraud
Cafetière de Giraud, 1847 (source: « Archives INPI »)

Giraud ¹

>1855<

L’Exposition Universelle

Expo 1855 ²
Bâtiment principal de l’Exposition Universelle de Paris, 1855

1855 est l’année de la première exposition universelle française, à Paris. Un imposant bâtiment a été construit près des Champs-Élysées pour l’occasion, qui comprenait une très longue annexe (une verrière de 1.2km le long et 17m de hauteur le long de la Seine) accueillant la Galerie des machines.³

Plan Expo 1855
Plan du site de l’Exposition Universelle de Paris, 1855

C’est dans cette annexe que se trouvait le tout nouvel appareil de Loysel, appelé «percolateur hydrostatique».

Percolateur Loysel ²
Percolateur hydrostatique de Loysel dans sa version petit format, 1855

Loysel, de son nom complet Édouard LOYSEL DE LA LANTAIS, né en 1816 à Vannes, était fils et petit-fils d’ingénieur. Lui-même ingénieur, professeur de sciences naturelles et de mécanique il a à son actif de nombreuses publications et plusieurs brevets. Avec son sens développé des affaires, il a commencé par breveter l’un des tout premiers panneaux publicitaire (1839 et 1842 :«mode de publicité dit annonciateur universel»), puis une modification au jeu d’échec (1841 et 1843), sur les traces de son père qui avait inventé un jeu de société. Des produits pour toucher le grand public… tout comme ses nombreux brevets de cafetières.

Le concept de sa première cafetière est développé dans différents brevets. Le premier, de 1843, la décrit comme un «genre de cafetière». Il s’agit d’une cafetière basée sur le principe de la cafetière à siphon mais qui chauffe le lait au bain-marie en même temps que l’eau. Le robinet de sortie est à double conduit, de sorte que le lait et le café sont mélangés pour produire la boisson préférée des français (ou des anglais si le café est remplacé par du thé) directement dans la tasse. Elle apparaît dans des publicités de journaux sous le nom de «cafetière Parisienne».

Cafetière Lousel 1843  Loysel 1
Première cafetière de Loysel, 1843 (source: « Archives INPI »)

Cafetière Parisienne 1

Cafetière Parisienne 2
La Presse, 30 décembre 1843-12 janvier 1844 (source: « Gallica »)

Chose certaine, Loysel avait la bougeotte : il n’a jamais deux fois la même adresse sur les brevets, sûrement à la recherche de la meilleure occasion d’affaire ou du meilleur coup de publicité. Parti vivre en Angleterre en 1844, il y est naturalisé en 1849 et continue sur sa lancée. Il revient d’abord en 1853 avec une «cafetière Dubelloy perfectionnée» puis… la fameuse idée pour résoudre la quadrature du cercle : utiliser une nouvelle force pour l’extraction du café. Non pas encore une force mécanique mais la gravité ! L’eau amenée en hauteur pas la force de la pression de la vapeur est soumise alors à loi de Pascal: elle peut y rester chaude, en attente de l’extraction, qui se fera à force égale à celle de la vapeur qui l’a amené là-haut. Il suffisait d’y penser…

Le résultat donnait des cafetières aux proportions gigantesques qui n’étaient pas à la portée d’un petit ferblantier, mais typiques de l’aire industrielle naissante.

Percolateur Loysel 1 Percolateur Loysel 2

Percolateur Loysel 3 Loysel 2
Percolateur Hydrostatique de Loysel, 1853 (source: « Archives INPI »)

À cette idée lumineuse, Loysel ajoute un coup de marketing grandiose: son «percolateur hydrostatique» est présenté à l’exposition universelle de Paris… exposée et servant des cafés à 5 millions de visiteurs éblouis par l’invention. Dans la revue Cosmos (Tome 7, p.127-135, 1855), il est dit que l’appareil contient 2000 tasses et coûte 6000 francs, une petite fortune pour l’époque. Le café, lui, était servit 20 centimes la tasse.
Fort de son succès, ce percolateur est déplacé dès la fin de l’Exposition Universelle au café Frascati, rue Montmartre où il rencontre aussi un franc succès. Son succès continue ensuite au palais des omnibus, sur la place du Palais Royal (où le percolateur restera jusqu’en 1860). Après avoir fondé « la compagnie générale des Percolateurs de la Seine», il en fera construire d’autres exemplaires dont des plus petits formats et en vendra à travers toute la France.

Percolateur Loysel Palais Royal
Établissement du Percolateur, Place du Palais-Royal, 1855

Article Percolateur 1 Pub Percolateur 1
La Presse, 8 et 21 février 1856 (source: « Gallica »)

Article Percolateur 2 Pub Percolateur 2
La Presse, 14 juillet 1856 – Le Figaro, 28 mai 1859 (source: « Gallica »)

À côté de ça…

La routine continue. L’année de l’exposition universelle, Jean Baptiste Antoine COUTANT, négociant à Paris (au 274, rue Saint-Honoré) présente un système de cafetière dite «Cafetière simplifiée» qui n’est autre qu’une Dubelloy avec de l’eau bouillante à disposition en tout temps dans la partie supérieure, prête à passer par l’ouverture d’un robinet. Le café passé se retrouve dans un autre compartiment de la partie inférieure et y est conservé au chaud par l’eau bouillante. Petit ajout ingénieux et simple à la toute première cafetière qui avait encore de beaux jours devant elle, y comprit dans les cafés.

Cafetière Coutant Coutant
Cafetière de Coutant, 1855 (source: « Archives INPI »)

De même, Jean-Baptiste DAGAND (demeurant au 388 rue Saint Denis à Paris) et son «système d’appareils-cafetières propres à l’infusion du café par aspersion et retour d’eau», n’invente pas l’eau chaude. Même s’il prétend que ses « appareils-cafetières évitent tous les inconvénients des anciennes cafetières du commerce toutes basées du reste sur d’autres principes que les miens. Ces inconvénients sont principalement : un remontage difficile à chaque fois que l’on veut s’en servir, des dangers d’éclats pour les appareils en verre lesquels cassent si souvent, lenteur des opérations». Il ne propose rien d’autre qu’une cafetière de Laurens modernisée (avec indicateurs de niveau, s’il vous plaît). Sa cible sont les siphons, dont l’effet de mode était passé et qui commençaient à avoir mauvaise presse. La publicité, faisant du neuf avec du vieux était en marche… et ça non plus ça n’était pas près de changer.

Cafetière Dagand Dagand
Cafetière de Dagand, 1855 (source: « Archives INPI »)

L’après Loysel

Article Percolateur 3
La Presse, 18 mars 1860 (source: « Gallica »)

Loysel meurt en 1865 et la mauvaise publicité, pour lui aussi, va arriver plus tard. On en retrouve des fragments dans la presse qui rapporte plusieurs accidents et explosions de percolateurs, causées certainement par le vieillissement des appareils.

Accident Percolateur 1La Presse, 4 juin 1895 (source: « Gallica »)

Accident Percolateur 2

Accident Percolateur 3

Accident Percolateur 4

Le Figaro, 10 janvier 1901-1e septembre 1910-24 décembre 1913 (source: « Gallica »)

Mais les jalons de l’expresso étaient posés et Loysel a laissé son nom dans l’histoire comme en étant le précurseur. Il est aussi et surtout celui qui a apposé le nom de «percolateur» à ces étranges machines, faisant à la demande du café en grande quantité.

À suivre…

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¹ Source: « Archives INPI », avec leur aimable autorisation.

² Source: site Hector Berlioz.

³ Traité de « bœuf foulant un parterre de roses » par Mirabeau, l’édifice a été détruit en 1899 pour accueillir le petit et le grand palais de l’Exposition Universelle de 1900.

 
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Publié par le 2 décembre 2013 dans Histoires et Histoire

 

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