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Archives Mensuelles: février 2016

Ascenseur pour l’expresso (Episode 18)

Du grain à moudre (1/3)

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Tout le monde, dans l’apprentissage de l’espresso, fait cette erreur de négliger le rôle du moulin. On finit par apprendre avec le temps que cela prend de la finesse, de la régularité, que sans un bon moulin, impossible d’obtenir d’une machine, si sophistiquée soit-elle, un bon espresso.

Il en va de même pour l’invention dudit espresso : on oublie toujours que c’est à partir du moment où le moulin est devenu perfectionné, qu’il a trouvé sa place à côté de la machine et de la main du barista, que la magie a pu opérer. L’espresso est ainsi le fruit des deux technologies ayant évolué de concert et ayant convergé en ce point précis, juste avant la Seconde Guerre mondiale. C’est une évidence et pourtant… si peu de place est consacrée aux moulins dans le récit de cette aventure, relégué tout au plus à l’accessoire nécessaire.

La beauté de l’histoire c’est qu’elle contient en elle-même cette clé, enfouie dans des plis successifs : c’est précisément par un personnage qui a repensé en premier lieu le moulin que l’espresso est arrivé, et on l’a, à ce jour, presque totalement occulté.

Cela aurait pu s’appeler « Ôde au moulin »… mais ce chapitre de l’histoire méritait sa place à part entière, elle qui donnera peut-être du grain à moudre à ceux qui ne jurent que par Gaggia.

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Bédouins préparant le café dans leur tente, écrasant les graines de café au pilon [G. Eric and Edith Matson Photograph Collection].

Mais commençons d’abord par la préhistoire…

Dans le royaume de Keffa, en Abyssinie (actuelle Éthiopie), où étaient consommés « de temps immémoriaux » les fruits des premiers arbres à café, les Gari-Oromo utilisèrent d’abord leurs mâchoires pour broyer les graines de café (consommées alors mélangées à de la graisse). Le marché des esclaves et le mouvement des nomades participèrent à leur diffusion autour de la mer Rouge. On ne sait pas exactement quand il a commencé à être consommé sous forme de breuvage. Entre le XIIe et le XVe siècle,¹ lors de son incursion en Perse et en Arabie heureuse (actuel Yémen), le café était déjà consommé de cette manière et était apparenté au vin (Cahouah), la poudre de café était alors vraisemblablement préparée dans un mortier, comme les autres graines (ce qui est encore le mode de préparation traditionnel des bédouins). Rapporté à Aden par Gemaleddin Abouhabdallah Mohammed Bensaïd et popularisé par ses derviches, il fût adopté par les mahométans de La Mecque puis de Constantinople (où Kiva Han, le premier café aurait ouvert ses portes en 1475²) avant de se répandre à tout le monde arabe, non sans quelques réticences des autorités.³

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Moulin à café turc.

C’est tout naturellement que les Turcs, au centre de l’Empire ottoman et plaque tournante du commerce, employèrent pour réduire en poudre le café un moulin à épice à la place du pilon. C’est l’utilisation de cet objet préexistant, sans réglage et produisant une mouture extra fine, qui a alors dicté son mode de préparation : une décoction faite avec une « farine » de café. Cette méthode s’est alors étendue dans l’empire Ottoman et ses environs, et elle prévaut encore de nos jours dans de nombreux pays (café turc, café grec, café bosnien, café serbe…).

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« Kahve Keyfi » (savourant un café), peinture de l’école française, première moitié du XVIIIe. [Musée Pera, Istanbul]
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Une des premières occurrences du mot « Café » dans un dictionnaire ꞌfrançoisꞌ de 1680.

Vers 1600, c’est cette même méthode de préparation que des marchands vénitiens ramenèrent en Italie avec leurs premiers sacs de café. Elle se répandra dans toute l’Europe en même temps qu’un engouement marqué pour les coutumes orientales qui se reflètent dans les arts de l’époque (les « turqueries » qui menèrent au style rococo et, plus tard, le mouvement orientaliste). Ouvrent alors les premières maisons de cafés dans les grandes cités occidentales à commencer par Venise (et non Vienne après l’échec du siège Ottomans, comme cela est souvent rapporté).⁴

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Extrait des «Lettres persanes», roman de Montesquieu publié en 1721.

En France, la cour n’est pas en reste puisque Louis XIV en personne, après la visite de Soliman Aga (émissaire du Sultan) en 1669, adopte le café. Louis XV l’apprécie tellement qu’il finit par avoir sous serre ses propres arbres à café, dans le jardin du Trianon, il torréfie et moud lui-même ses grains.⁵ Il convertit même (ou est-ce l’inverse) sa principale maitresse, Madame de Pompadour, qui possède son propre moulin en or exposé aujourd’hui au Musée du Louvre. Les objets sont en effet à la hauteur des personnages : de magnifiques ouvrages fabriqués par des artisans de renom (et qui s’échangent aujourd’hui à plusieurs dizaines de milliers d’euro).

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« Le déjeuner de la Sultane » (représentant Mme de Pompadour), tableau de Charles-André van Loo, 1747 [Musée des Arts Décoratifs de Paris]
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Moulin à café de madame de Pompadour, décoré de feuilles et baies de caféier (en or vert et en or rose) sur or jaune, manivelle en acier et ivoire. Réalisé en 1756-1757 par Jean Ducrollay, orfèvre à Paris (Musée du Louvre).
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Moulins à café du XVIIe et XVIIIe. 1. Moulin du XVIIe siècle (époque Louis XIV) en fer forgé et décorations damasquinées d’argent, poignée de buis. 2. Moulin Louis XV en noyer marqueté, manivelle en fer forgé et bois fruitier. Réalisé par Pierre Hache, ébéniste à Grenoble (1705-1776). 3. Moulin à café Louis XV en merisier ondé, fer forgé et poignée de merisier. Signé à l’encre « fait à Crémieu par Guillat 1777 ». 4. Moulin à café dit « modèle Louis XIV » en noyer massif et fer forgé, début XVIIIe siècle.
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Moulin à café en noyer tourné et fer forgé, fabriqué en Auvergne au XVIIIe.
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« Les trois règnes de la nature », chant sixième, par l’abbé Jacques Delille (1808).

« Moi seul contre la noix, qu’arment ses dents de fer,
Je fais, en le broyant, crier ton fruit amer ».

Au début du XVIIIe siècle, l’usage du café sort du cercle de l’aristocratie et se popularise. Avec cette expansion vient la recherche de nouvelles techniques d’extraction, beaucoup trouvant le café à la turque beaucoup trop fort et amer.⁶

Dans le chapitre consacré au café dans l’«Art du distillateur liquoriste» il est écrit qu’il n’est pas inutile «d’avertir que le jeu de la noix dans le cylindre doit être tel, que la poudre qui en sortira soit plutôt trop grosse que trop fine ». Comme en témoignent les dessins de cet ouvrage, le moulin cubique de nos grands-mères existait déjà en 1775, à ceci près qu’il n’avait pas encore de réglage ou que celui-ci était à l’intérieur  du moulin. On essaie d’autres méthodes qui demandent des moutures un peu plus grossières : l’infusion « à la chaussette » et la percolation, qui arrive tout juste après la Révolution française (que l’on dit avoir été fomentée dans les cafés). L’industrie des moulins à café se développe et on retrouve de nombreuses fabriques de moulins à café françaises, notamment à Saint-Étienne et à Grenoble.

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Planches 11 et 12 de l’ «Art du distillateur liquoriste», 1775, présentant la « Mouture du café » et le « Laboratoire de café ».
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Selon la description de la planche 11 : «Moulin à double boîte et à manivelle horizontale» (dit sablier) et «Petit moulin portatif et bourgeois» (à trémie ouverte), fin XVIIIe. [Source: l’Association Internationale des collectionneurs de moulins à Café ]

Les mécanismes des moulins que l’on trouve en France à cette époque sont fabriqués en Allemagne (particulièrement dans la région de Remscheid) et lorsque les Français se mettent eux-même à les fabriquer à partir de 1817, c’est en copiant cette même technologie : «Toutes ces mécaniques sont confectionnées de manière à ce que la noix reçoive son mouvement ascendant au moyen d’une ou de deux plaques ou traverses en fer, soutenues par quatre vis qui sont placées au-dessous de cette noix, dans l’intérieur de la caisse», ce qui n’est pas très pratique et fait en sorte que «d’après le procédé ancien, elle était souvent et malgré soi, ou trop ou pas assez haussée».⁷

Pour un mécanisme de réglage plus facile, il faudra attendre 1829, date à laquelle l’entreprise Coulaux Ainé et Compagnie de Molsheim (ancienne Manufacture Royale d’Armes Blanches) dépose un brevet au titre assez explicite : « Moulins à café à noix et à boisseaux, disposés de manière qu’on puisse régler la position de la noix au moyen de deux écrous entre lesquels se place la manivelle ». L’ajustement proposé est fait à l’aide de deux écrous sur le haut de l’axe. Un autre brevet est déposé en 1838, modifiant légèrement le principe : l’ajustement étant effectué à l’aide d’un seul écrou, toujours sur le haut de l’axe. On remarquera que les pièces constituantes du moulin sont très similaires à celle que l’on retrouve encore aujourd’hui dans les moulins manuels domestiques (si ce n’est que le réglage est généralement fait de nos jours par le bas de la noix).

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Brevet Coulaux de 1829. [ Source : INPI ]
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Brevet Coulaux de 1838. [ Source : INPI ]
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Moulin Coulaux, modèle de 1838.

La voilà, l’image emblématique du moulin à café avec sa boite cubique, sa manivelle et son tiroir pour récupérer le café moulu. Il traversera le temps jusqu’aux années 1940, se déclinant en centaines de modèles de différentes tailles et avec des différences subtiles sur les mécanismes, mais n’évoluant finalement que très peu. Ils remplissent aujourd’hui des étagères complètes chez les mylokaphephiles (collectionneurs de moulins à café).

Le fabricant le plus connu de ce style de moulin est une autre entreprise ayant commencé dans la fabrication de lames (mais plutôt de scies) et de ressorts d’horlogerie; elle construit aujourd’hui des vélos et des automobiles: Peugeot (à l’origine Peugeot et Frères). Fondée en 1810, à Hérimoncourt dans le Doubs, l’entreprise s’associe avec la famille Japy (Japy frères, horloger mécaniciens de Beaucourt, dans le Haut-Rhin, et certainement Japy fils, fabricants à Seloncourt dans le Doubs) et commence à fabriquer des moulins à café à partir de la fin des années 1840. Japy fils avait en effet déposé un premier brevet de moulin à café en 1846 (intitulé simplement « Genre de moulin à café ») avant que Japy, Peugeot Frères et Cie déposent un brevet sous le même titre en 1848. Par la suite Peugeot Frères et Japy frères déposent chacun un autre brevet en leur nom (« Moulin à café perfectionné » pour Peugeot en 1850 et « Divers perfectionnements dans les moulins à moudre le café ou autres grains » pour Japy en 1858).

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Brevet Japy, Peugeot Frères et Cie de 1848.
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Brevet Peugeot Frères de 1850.
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Catalogue Peugeot des années 1920-30.
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Modèles K, L, M et N, en tôle, fabriqués entre 1870 et 1936. Modèles G en tôle cannelée (1876 à 1936). Modèle H, très similaire au Porlex (1902 à 1936).

Le moulin de comptoir à engrenage (à manivelle ou à roue), autre modèle phare de Peugeot utilisé dans les cafés et les épiceries, arrive un peu plus tard, il est produit entre 1868 et 1956. Il sera supplanté par les moulins électriques qui commenceront à voir le jour dans les années 1940.⁸

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Modèle F, FM, FN et FT possédant un nouveau mécanisme d’engrenage qui permet d’avoir la manivelle sur le côté. Ces moulins de comptoir ont été fabriqués de 1876 à 1926.
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Modèles C, en fonte à volant et/ou manivelle, fabriqué entre 1870 et 1938.
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Le mécanisme « moulins silencieux » fait son apparition en 1938.

À suivre…

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¹ Les dates sont encore assez floues sur la préhistoire du café. Des fouilles menées à Ras al-Khaimah près de Dubai ont mis à jour des grains de café torréfiés qui datent du XIIe siècle [ ref ]. Les premières traces d’échanges commerciaux de la graine apparaissent sur un document de 1497 retrouvé lors de fouilles à al-Tor dans la région du Sinaï (en faisant la première mention écrite du café date). [Voir les travaux de Michel Tuchsherer sur le sujet]
² Cette date est contestable, car İbrahim Pecevi, un historien du XVIIe siècle parle plutôt de 1555 comme date à laquelle deux Syriens (Hâkem d’Alep et Şems de Damas) auraient ouvert un commerce de café dans le quartier Tahtakale de Constantinople.
³ Voir le magnifique texte de 1696 d’Antoine Galland « De l’origine et du progrès du café », réédité chez Berg International (avec son démontage en règle de la légende de Kaldi) ou le manuscrit en ligne « Le café: poème » accompagné de documents historiques sur le café, de C. de Méry, 1837.
⁴ De La Mecque en 1512, Damas et Le Caire en 1530 des cafés ouvrent à Venise en 1629, Oxford en 1650, Londres en 1652, La Hague en 1664, Amsterdam vers 1660, Marseille en 1671, Paris en 1672 (appelé simplement «Café», Quai de l’école, aujourd’hui Quai du Louvre, 14 ans avant le «Procope»), Hambourg en 1679, Leipzig entre 1685 et 1694 (le « Zum arabischen Coffee-Baum » ou « A l’arbre à café arabe » encore ouvert aujourd’hui), Vienne en 1687 (« Die Blaue Flasche » ou « la bouteille bleue »), Boston en 1689, Hambourg en 1691, New York en 1696, Philadelphie en 1700 et Berlin en 1721.
C’est à cette époque que Moka, au Yémen, est le principal port d’exportation et que la région d’Harrar, en Éthiopie, devient un des principaux lieux de production du café. Pour l’anecdote, c’est pour faire commerce du café qu’Arthur Rimbaud s’y installe en 1880.
⁵ C’est de l’un de ces plants, volé par Gabriel de Clieu en 1723 avec la connivence d’une « dame de qualité » étant intervenue auprès de Pierre Chirac, médecin du roi, que descendraient tous les plans du « Nouveau Monde », diffusés à partir de La Martinique. Voir le livre de Stewart Lee Allen, « Le breuvage du diable ».
⁶ Pour l’arrivée du café en France, voir « Arrivée et diffusion du café en France », sur Histoire pour tous.
⁷ Ces renseignements sont contenus dans le premier brevet Coulaux.
⁸ Voir les différentes versions sur les sites très fournis de passionnés: notamment le site de SPIAL, le site de Virginie, et celui de Marcel (… que les autres m’excusent), ainsi que le site de l’Association Internationale des Collectionneurs de Moulins à Café (AICMC).
 
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Publié par le 21 février 2016 dans Histoires et Histoire

 

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Championnats de France du Café 2016 (suite)

La suite du billet précédent, en images, simplement.

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Nos speakers Ludovic Loizon et Nir Chouchana

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Ici dans le public, Eyayu Kassa et Gloria Montenegro, étaient aussi concurrente (Eyayu) et juge (Gloria). Par ailleurs, Eyayu est torréfactrice à La Caféothèque (vice-championne de France actuelle de torréfaction) et Gloria en est la patronne

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Les juges sont concentrés

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Alexia El Jammal au concours du meilleur barista

Magdalena Brodzinska en action

Magdalena Brodzinska en action

Marco de Sousa Rosa

Time ! (Marco de Sousa Rosa)

Brice Robin

Brice Robin broyant du noir. Enfin… du robe de moine…

Abdel Gadalla

Abdel Gadalla est resté concentré, mais il a su mettre de l’ambiance

Cupping

Pierre Guérin « cuppe« 

Maria Hernandez

Maria Hernandez en pleine dégustation

Marina Bourlon de Rouvre

Toujours en cup tasting, Marina Bourlon de Rouvre

Aurélien Javelle

En dehors de la compétition, Aurélien Javelle (à droite) parle machine (et fait goûter aussi)

Sandra

Renaud Polroux

Renaud Polroux doit se sentir observé…

Romain Vernot

Romain Vernot, juste avant sa prestation, en Coffee in Good Spirits

Romain Vernot

Point de départ de toute prestation

Romain Vernot

BBS

Une partie de l’équipe de BBS: Ludovic, Emmanuel et Giada

Jérémy Lypszyc

Jérémy Lypszyc

Nir Chouchana

Le travail d’équilibriste de Nir Chouchana

Carlos-Jose Ramos

Carlos-Jose Ramos et quelques ingrédients

Mikaël Portannier

On moud, on mixe, on shake… on touille aussi. Ici Mikaël Portannier

Roberto Cuccurullo

Roberto Cuccurullo et ses flacons

 

 

 

 
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Publié par le 16 février 2016 dans Evénement

 

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Championnats de France du café 2016

Lorsque j’ai commencé à écrire ce blog, mon idée était de répertorier, modestement, pour mon usage personnel et celui de quelques curieux, les endroits dans lesquels on pouvait boire de bons cafés à Paris. Je pensais y parvenir en trois sorties d’exploration. Mais j’ai depuis rencontré beaucoup de professionnels, patrons de bars, baristi et torréfacteurs, et aussi des journalistes et d’autres blogueurs, tous passionnés par le café. De plus en plus de coffee-shops ouvrent à Paris et en France, les professionnels s’organisent, des associations se créent dont la section française de la SCAE (Association Européenne des Cafés Gourmets) qui organise, depuis neuf ans déjà, les championnats de France du café. Cette année, je suis allé à Marseille pour voir comment tout cela se passait car c’est là que la compétition a eu lieu du 24 au 26 janvier. Les partenaires et sponsors faisaient salon pendant que les baristi venus de tout le pays concouraient dans quatre spécialités, tout cela pour désigner :

  • le meilleur barista, qui est jugé sur sa production d’un espresso, d’une boisson lactée à base d’espresso et d’une « boisson signature », un breuvage de composition personnelle

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    Épreuve de barista, on mesure la mouture au dixième de gramme près ! Ça peut se jouer à ça…

  • le meilleur latte art, dans une épreuve où le barista doit réaliser les plus jolis, et précis, dessins en versant du lait sur un espresso. C’est le monde des rosette, cygnes, cœurs, oiseaux et fleurs en tous genres.

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    Latte Art de pro

  • le meilleurs cup taster, c’est l’épreuve de dégustation, dans laquelle les concurrents doivent retrouver un intrus parmi un trio de tasses… huit fois par tour ! De quoi se mélanger les papilles !

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    Cup tasting, un sacré paquet de tasses à déguster. On a le droit de recracher !

  • Et enfin l’épreuve de coffee in good spirits, qui désigne le meilleur cocktail à base de café et d’alcool.

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    Coffee in good spirits, que de jolis flacons

Le brewer’s cup, épreuve dans laquelle est désigné le meilleur café filtre sera organisé en avril prochain.

L’amateur que je suis est allé assister a cet événement qui a lieu maintenant chaque année. J’ai voulu voir comment se défiaient certains professionnels et amateurs (c’est ouvert !). L’ambiance était bonne et festive, beaucoup de concurrents se connaissant. Dès la fin de matinée du 24, les premiers déçus du cup tasting, ceux qui n’ont pas passé le premier tour alors que pas mal d’entre eux étaient en finale l’année dernière. Il s’agit d’avoir tous ses sens en éveil et de ne pas être gêné par la crève de la semaine passée !

Autour de la compétition, les partenaires exposaient. Au stand de la SCAE, j’ai rencontré Olivier Vaudour qui présentait Lilokawa, une entreprise de réinsertion qui fait dans l’économie circulaire en recyclant les sacs de café en sacs à main, poufs, tabliers et oreillers. Original et solidaire. Toujours à la SCAE, les baristi présents pouvaient se faire la main sur une Black Eagle, le modèle utilisé pour la compétition.

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Deux Champions au stand SCAE France: Charlotte Malaval, double championne de France barista 2015 et 2016, et Luca Casadei, son prédécesseur, double champion de France 2013 et 2014, tranquilles entre deux tours de Charlotte.

 Pas loin de là les stands de Victoria Arduino, constructeur fournissant la Black Eagle citée plus haut, et La Cimbali, autre grande marque de machines. Et c’est au stand BBS, école de formation de baristi et bartenters que je me désaltérais en cocktails, merci beaucoup.

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Merci Emmanuel !

 Lorsqu’on assiste à ce genre d’événement, on ne peut que constater l’élévation du niveau. Ces jeunes (et moins jeunes) gens tirent toute leur profession vers le haut grâce à leur dextérité et en faisant preuve d’ingéniosité. Et c’est dans les bars, coffee-shops et chez les torréfacteurs de toute la France qu’on les retrouve tous, pour notre plaisir de consommateur, un plaisir de plus en plus grand.

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Charlotte et son canard, ou lapanard…

Charlotte Malaval a gagné ici sa deuxième coupe grâce à un lapin. Ou un canard, selon. Enfin… elle a basé sa présentation sur la subjectivité de la perception sensorielle. Audacieux. Et au fait, il y avait de la pomme alors ?  Tout aussi audacieux mais plus axé sur la transformation physique, Marco De Sousa Rosa s’est fait remarqué par son installation comportant une petite bonbonne d’oxygène.

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Marco ne manque pas d’air

L’idée lui est venue du cliquage des vins qui favorise l’expression des arômes. En ce qui concerne le café, l’injection d’oxygène augmente la sucrosité. Marco travaille à élaborer un système plus léger, plus facile à mettre en œuvre. Sa deuxième place est méritée.

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Les juges jugent

Jérémy Della Santa termine troisième.

L’ambiance était plaisante, nous étions venus nombreux pour applaudir tous ces talents, dès les premiers tours de chaque discipline le niveau est élevé et la différence se fait beaucoup sur la gestion du stress. Il s’agit de ne pas trembler lors de la composition de son latte art ou de ne pas oublier sa routine, pourtant rodée durant des heures et des heures d’entraînement, pendant que l’on tente de démontrer ses talents de barista ou de mixologue.

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Noëlie Mestre concentrée

Par ailleurs, certains compétiteurs sont aussi juges et lorsque je demandais à Marina Bourlon de Rouvre, concourant en dégustation (cup taster) et jugeant en coffee in good spirits, ce qui est plus difficile finalement, elle hésita un instant. Concourir est difficile mais, l’air de rien, juger est assez stressant : il s’agit de ne pas se planter ! En tous cas, bravo à Marina pour sa troisième place, derrière Paola Wintenberger et Sébastien Maurer sur la première marche.

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Les juges notent

 Les candidats se succèdent, les artistes du cappuccino rivalisent de précision pour dessiner figures les plus créatives en préparant macchiati et latte. Certaines figures demandent à être réalisées simplement en versant le lait dans la tasse avec un mouvement précis pour donner un joli dessin, d’autres nécessitent une finition au stylet.

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Renaud Polroux en pleine composition

Dans cette épreuve c’est Magdalena Brodzinska qui l’emporte, confirmant ainsi les podiums conquis les années précédentes. Elle est suivie de Renaud Polroux et Mati Touis.

Spectateur peu assidu finalement, j’ai flâné d’un stand à l’autre car l’animation était aussi aux abords du plateau de la compétition. J’ai pu goûter au café utilisé par Charlotte Malaval, un typica de la Finca Maputo (Équateur), torréfié par La Ditta Artigianale, fameuse brûlerie florentine, ainsi qu’un espresso de KB Coffee shop au stand Victoria-Arduino. Chez ATMP, Aurélien m’a régalé de café de chez Hexagone et le barista du stand La Cimbali m’a fait couler un très bon espresso de la Faema E61 exposée là.

Puis le concours de coffee in good spirits démarrait. Cette épreuve est la plus spectaculaire et la plus joyeuse, car ce sont des bartenters qui concoctent des cocktails avec tous les gestes que cela implique. Mais ils ne sont pas jugé simplement sur leur habilité, ce sont des juges sensoriels qui désignent le vainqueur et ses dauphins.

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Mikaël Portannier commençant sa prestation

Et c’est Mikaël Portannier qui emporte le titre en progressant d’une place par rapport à l’an dernier. Nir Chouchana finit deuxième après une prestation renversante, et Roberto Cuccurullo monte sur la troisième marche du podium.

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Les juges apprécient

 Chaque vainqueur représentera la France aux championnats du monde de sa discipline : Magdalena, Mikaël et Sébastien à Shangaï, du 30 mars au 1er avril et Charlotte à Dublin du 23 au 25 juin. Réservez vos billets ou alors suivez nos champions en streaming qui sera mis en place par les organisateurs.

(A suivre)

 
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Publié par le 10 février 2016 dans Evénement, Les gens