Lorsque j’ai commencé à écrire ce blog, mon idée était de répertorier, modestement, pour mon usage personnel et celui de quelques curieux, les endroits dans lesquels on pouvait boire de bons cafés à Paris. Je pensais y parvenir en trois sorties d’exploration. Mais j’ai depuis rencontré beaucoup de professionnels, patrons de bars, baristi et torréfacteurs, et aussi des journalistes et d’autres blogueurs, tous passionnés par le café. De plus en plus de coffee-shops ouvrent à Paris et en France, les professionnels s’organisent, des associations se créent dont la section française de la SCAE (Association Européenne des Cafés Gourmets) qui organise, depuis neuf ans déjà, les championnats de France du café. Cette année, je suis allé à Marseille pour voir comment tout cela se passait car c’est là que la compétition a eu lieu du 24 au 26 janvier. Les partenaires et sponsors faisaient salon pendant que les baristi venus de tout le pays concouraient dans quatre spécialités, tout cela pour désigner :
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le meilleur barista, qui est jugé sur sa production d’un espresso, d’une boisson lactée à base d’espresso et d’une « boisson signature », un breuvage de composition personnelle
Épreuve de barista, on mesure la mouture au dixième de gramme près ! Ça peut se jouer à ça…
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le meilleur latte art, dans une épreuve où le barista doit réaliser les plus jolis, et précis, dessins en versant du lait sur un espresso. C’est le monde des rosette, cygnes, cœurs, oiseaux et fleurs en tous genres.
Latte Art de pro
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le meilleurs cup taster, c’est l’épreuve de dégustation, dans laquelle les concurrents doivent retrouver un intrus parmi un trio de tasses… huit fois par tour ! De quoi se mélanger les papilles !
Cup tasting, un sacré paquet de tasses à déguster. On a le droit de recracher !
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Et enfin l’épreuve de coffee in good spirits, qui désigne le meilleur cocktail à base de café et d’alcool.
Coffee in good spirits, que de jolis flacons
Le brewer’s cup, épreuve dans laquelle est désigné le meilleur café filtre sera organisé en avril prochain.
L’amateur que je suis est allé assister a cet événement qui a lieu maintenant chaque année. J’ai voulu voir comment se défiaient certains professionnels et amateurs (c’est ouvert !). L’ambiance était bonne et festive, beaucoup de concurrents se connaissant. Dès la fin de matinée du 24, les premiers déçus du cup tasting, ceux qui n’ont pas passé le premier tour alors que pas mal d’entre eux étaient en finale l’année dernière. Il s’agit d’avoir tous ses sens en éveil et de ne pas être gêné par la crève de la semaine passée !
Autour de la compétition, les partenaires exposaient. Au stand de la SCAE, j’ai rencontré Olivier Vaudour qui présentait Lilokawa, une entreprise de réinsertion qui fait dans l’économie circulaire en recyclant les sacs de café en sacs à main, poufs, tabliers et oreillers. Original et solidaire. Toujours à la SCAE, les baristi présents pouvaient se faire la main sur une Black Eagle, le modèle utilisé pour la compétition.
Deux Champions au stand SCAE France: Charlotte Malaval, double championne de France barista 2015 et 2016, et Luca Casadei, son prédécesseur, double champion de France 2013 et 2014, tranquilles entre deux tours de Charlotte.
Pas loin de là les stands de Victoria Arduino, constructeur fournissant la Black Eagle citée plus haut, et La Cimbali, autre grande marque de machines. Et c’est au stand BBS, école de formation de baristi et bartenters que je me désaltérais en cocktails, merci beaucoup.
Merci Emmanuel !
Lorsqu’on assiste à ce genre d’événement, on ne peut que constater l’élévation du niveau. Ces jeunes (et moins jeunes) gens tirent toute leur profession vers le haut grâce à leur dextérité et en faisant preuve d’ingéniosité. Et c’est dans les bars, coffee-shops et chez les torréfacteurs de toute la France qu’on les retrouve tous, pour notre plaisir de consommateur, un plaisir de plus en plus grand.
Charlotte et son canard, ou lapanard…
Charlotte Malaval a gagné ici sa deuxième coupe grâce à un lapin. Ou un canard, selon. Enfin… elle a basé sa présentation sur la subjectivité de la perception sensorielle. Audacieux. Et au fait, il y avait de la pomme alors ? Tout aussi audacieux mais plus axé sur la transformation physique, Marco De Sousa Rosa s’est fait remarqué par son installation comportant une petite bonbonne d’oxygène.
Marco ne manque pas d’air
L’idée lui est venue du cliquage des vins qui favorise l’expression des arômes. En ce qui concerne le café, l’injection d’oxygène augmente la sucrosité. Marco travaille à élaborer un système plus léger, plus facile à mettre en œuvre. Sa deuxième place est méritée.
Les juges jugent
Jérémy Della Santa termine troisième.
L’ambiance était plaisante, nous étions venus nombreux pour applaudir tous ces talents, dès les premiers tours de chaque discipline le niveau est élevé et la différence se fait beaucoup sur la gestion du stress. Il s’agit de ne pas trembler lors de la composition de son latte art ou de ne pas oublier sa routine, pourtant rodée durant des heures et des heures d’entraînement, pendant que l’on tente de démontrer ses talents de barista ou de mixologue.
Noëlie Mestre concentrée
Par ailleurs, certains compétiteurs sont aussi juges et lorsque je demandais à Marina Bourlon de Rouvre, concourant en dégustation (cup taster) et jugeant en coffee in good spirits, ce qui est plus difficile finalement, elle hésita un instant. Concourir est difficile mais, l’air de rien, juger est assez stressant : il s’agit de ne pas se planter ! En tous cas, bravo à Marina pour sa troisième place, derrière Paola Wintenberger et Sébastien Maurer sur la première marche.
Les juges notent
Les candidats se succèdent, les artistes du cappuccino rivalisent de précision pour dessiner figures les plus créatives en préparant macchiati et latte. Certaines figures demandent à être réalisées simplement en versant le lait dans la tasse avec un mouvement précis pour donner un joli dessin, d’autres nécessitent une finition au stylet.
Renaud Polroux en pleine composition
Dans cette épreuve c’est Magdalena Brodzinska qui l’emporte, confirmant ainsi les podiums conquis les années précédentes. Elle est suivie de Renaud Polroux et Mati Touis.
Spectateur peu assidu finalement, j’ai flâné d’un stand à l’autre car l’animation était aussi aux abords du plateau de la compétition. J’ai pu goûter au café utilisé par Charlotte Malaval, un typica de la Finca Maputo (Équateur), torréfié par La Ditta Artigianale, fameuse brûlerie florentine, ainsi qu’un espresso de KB Coffee shop au stand Victoria-Arduino. Chez ATMP, Aurélien m’a régalé de café de chez Hexagone et le barista du stand La Cimbali m’a fait couler un très bon espresso de la Faema E61 exposée là.
Puis le concours de coffee in good spirits démarrait. Cette épreuve est la plus spectaculaire et la plus joyeuse, car ce sont des bartenters qui concoctent des cocktails avec tous les gestes que cela implique. Mais ils ne sont pas jugé simplement sur leur habilité, ce sont des juges sensoriels qui désignent le vainqueur et ses dauphins.
Mikaël Portannier commençant sa prestation
Et c’est Mikaël Portannier qui emporte le titre en progressant d’une place par rapport à l’an dernier. Nir Chouchana finit deuxième après une prestation renversante, et Roberto Cuccurullo monte sur la troisième marche du podium.
Les juges apprécient
Chaque vainqueur représentera la France aux championnats du monde de sa discipline : Magdalena, Mikaël et Sébastien à Shangaï, du 30 mars au 1er avril et Charlotte à Dublin du 23 au 25 juin. Réservez vos billets ou alors suivez nos champions en streaming qui sera mis en place par les organisateurs.
(A suivre)