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Archives Mensuelles: avril 2016

La brûlerie de Bernay

La Brûlerie de Bernay

La Brûlerie de Bernay

Lorsque je faisais la tournée des cafés durant la rédaction du Guide de l’amateur de café à Paris j’ai eu, durant quelques sorties, un compagnon de dégustation. Bachir aime le café et il voulait découvrir ce qui se fait de mieux à Paris. La virée que nous avons entreprise un jour entre République et Rambuteau n’a pas dû le décevoir, comme les autres j’espère. Mais ce jour là, c’est lui qui me surprit : « Tu connais Sébastien Lerat ?

– Ça me dit quelque chose, mais comme ça, non.

– C’est un torréfacteur à Bernay, en Normandie, il est bien : il a gagné le concours du meilleur torréfacteur de France, c’est pas rien.

– Tu le connais comment ?

– Eh bien, je vais souvent à Bernay, je le connais bien maintenant…

Nous avions échangé quelques détails à son propos et nous en étions restés là. Jusqu’au mois de mars dernier. Je l’appelai un soir : « On se la fait cette sortie dans l’Eure ?

– Dans l’heure non, mais la semaine prochaine j’ai des dispos.

– C’est malin…

Et nous décidâmes de rendre visite à Sébastien dans sa brûlerie, à Bernay, au début de ce mois d’avril.

Sébastien Lerat dans sa boutique

Sébastien Lerat dans sa boutique (Photo Bachir Maïbeche)

Nous nous sommes promenés sur les terres Euroises, à travers les champs et prairies d’un vert unique, ce vert qui nous rappelle que, même s’il est ce jour très agréable, le temps n’est pas toujours ensoleillé. C’est beau. Les chaumières et les pommiers ne font pas clichés, ils sont à leur place ici.

Après la balade, il fallait se rendre à Bernay pour notre objectif du jour : la brûlerie. Je connaissais Sébastien Lerat d’après ce que j’en avais lu dans la presse : technicien chez Renault pris dans un plan de licenciement, il avait repris la boutique qui se libérait et s’était formé par lui même, en potassant et en pratiquant.

Sébastien nous a très gentiment accueillis, il est resté bavarder avec nous dans le salon au fond de la boutique. Il nous laissait régulièrement pour s’occuper des clients venus acheter cafés et thés ainsi que ceux qui s’installaient pour une dégustation. Il fait maintenant partie intégrante de la vie des Bernayens qui viennent ici pour refaire le plein de théine et caféine et parler de la vie de la région.

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Un trophée bien exposé

Il propose dans son magasin une douzaine de cafés d’origines diverses, torréfiés par ses soins. Je suis reparti avec un Maragogype du Nicaragua, frais et crémeux comme il faut lorsqu’on le prépare en espresso.

Nous lui avons demandé quelle est son origine préférée. « Les cafés africains », nous répondit-il. Les éthiopiens particulièrement. Il les aime et les connaît bien, c’est un de ces cafés qu’il a travaillés et qui lui a permis de gagner le concours du meilleur torréfacteur, organisé par le Comité Français du Café, en 2013.

Par ailleurs, on trouve chez lui tout ce qu’il faut pour préparer son café à la maison : des moulins, cafetières en tous genres, de la filtre à l’espresso automatique, et des filtres en papier.

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Sébastien satisfait de sa nouvelle livraison

Finalement, Bernay n’est pas si loin de Paris, je ferais bien de sa brûlerie mon fournisseur régulier ! Pour faciliter la tâche, on peut toujours commander en ligne : Brûlerie de Bernay

La Brûlerie de Bernay, 12 rue du général de Gaulle, 27300 BERNAY

 
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Publié par le 19 avril 2016 dans Où boire les meilleurs cafés

 

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Ascenseur pour l’expresso (Episode 19)

Du grain à moudre (2/3)

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Publicité pour les moulins Peugeot Frères, 1937
Publicité pour les moulins Peugeot Frères, 1937.

Alors que le café prend une place de plus en plus importante dans la vie quotidienne, Peugeot Frères reste en bonne position sur le marché des moulins manuels domestiques, qu’ils soient posés sur le coin d’une table ou fixés aux murs des cuisines. Pour les épiceries ou les entreprises de torréfaction, qui sont amenées à moudre des kilos de café, le besoin pour des moulins de plus grande taille et de meilleure efficacité se fait sentir.

Torréfacteur et moulin industriels entrainés par une courroie, début XXeme
Torréfacteur et moulin industriels entrainés par une courroie, début XXeme. [Source : «All about Coffee», William H. Ukers, 1922]
Modèles de moulins à courroie, Catalogue Fairbanks de 1906
Modèles de moulins à courroie, Catalogue Fairbanks de 1906.
Moulin à courroie de marque « Coles »
Moulin à courroie de marque « Coles » prévu pour les comptoirs de magasins généraux.

En milieu industriel, ces gros moulins sont entrainés par des courroies le plus souvent couplées à des machines à vapeur utilisées sur place pour divers outils.
Dans les épiceries, difficile d’imposer aux clients le bruit de ces génératrices (sauf si elles étaient vraiment au sous-sol, comme sur les modèles dits « sous le comptoir »), les moulins sont alors munis de grandes roues destinées à augmenter la force d’entrainement du moulin. Le silence se paye, et c’est toujours au prix de grands efforts qu’il est possible de moudre sur demande de grandes quantités de café.

Moulins manuels d’épicerie, 1905
Moulins manuels d’épicerie, Catalogue Gray & Dudley Hardware de 1905.
Moulin manuel d’épicerie, fin XIXeme
Moulin manuel d’épicerie, fin XIXeme.

L’importance du moteur électrique avait été évoquée dans un épisode précédent, sans plus de détails. Vous la voyez sûrement venir : c’est précisément pour les moulins, avec son silence relatif et une force suffisante pour une taille de plus en plus petite, que le moteur électrique va jouer un rôle majeur.
Les premiers moteurs électriques commencent à voir le jour à la fin du XIXeme siècle et se substituent rapidement aux bruyantes machines à vapeurs pour diverses applications industrielles. Le premier moulin électrique industriel aurait vu le jour à New-York en 1897, fabriqué par l’Enterprise Manufacturing Company (une fonderie de Philadelphie spécialisée dans les moulins industriels depuis de nombreuses années). Elle est suivie l’année suivante par une autre entreprise américaine de l’Ohio, fondée par Herbert L. Johnson et Clarence Charles Hobart, la Hobart Electric Manufacturing Company dont le premier produit est un moulin à café électrique (Herbert L. Johnson est d’ailleurs l’auteur du premier brevet mentionnant l’utilisation d’un moteur électrique pour un moulin à café, daté du 19 septembre 1904⁹). Les modèles ne sont alors que des modèles manuels ou à courroie auxquels sont ajoutés des moteurs électriques relativement volumineux.

Premiers moulins électriques industriels, 1906
Premiers moulins électriques industriels, Catalogue Fairbanks de 1906.

Il faudra attendre encore quelques années avant que les moulins soient vraiment pensés en fonction de ces nouveaux moteurs et plus de vingt ans avant que leur taille réduise suffisamment pour y être complètement intégrés. Encore une fois, ce sont les grosses compagnies américaines comme Hobart (mais aussi Holwick, Royal Electric, Dayton¹⁰) qui sont des pionnières dans ce domaine avec des modèles de moulin qui ressemblent à des sabliers, le moteur étant placé à l’horizontale et faisant tourner des meules plates entre la trémie et le réceptacle à café moulu.

US786293
«Grinding Mill », premier brevet mentionnant un moulin entrainé par un moteur électrique,
H.L. Johnston de la Hobart Electric Manufacturing Company, 29 septembre 1904 (US786293).
GB108260A
« Improvments in Machines for Cutting or Comminuting coffee and similar material »,
brevet de Frederick Jacob Osius, 23 novembre 1916 (GB108260A).
GB231048A
«Improvments relating to Mills for Grinding Coffee and the like » Uno Company Limited, 10 juin 1924 (GB231048A).

L’ajustement de mouture se fait le plus souvent à l’aide d’une molette située à l’avant du moulin (à l’arrière du moteur sur les Holwick). Ces mastodontes ont, pour un grand nombre, survécus au passage du temps et on en retrouve bien plus souvent que les premiers moulins électriques compacts, victimes des effets de mode ou de la première panne de moteur.

Moulins à café électriques industriels 1920s
Moulins à café électriques industriels Hobart (à gauche) et Holwick (à droite), années 20-30.
GB294930A
«Improvments in or relating to Grinding Apparatus», Hobart Manufacturing Company, 18 juin 1928 (GB294930A).

Parallèlement au développement des moteurs, un autre élément essentiel des moulins évolue : les meules. Elles étaient coniques avec un axe vertical dans les moulins traditionnels (turcs puis cubiques), elles deviennent plate avec un axe horizontal dans les moulins muraux et industriels. De nombreux brevets sont déposés entre 1798 (premier brevet connu d’un moulin à café) et 1918, reflétant l’évolution des techniques de fabrication pour parvenir à un meilleur contrôle de l’efficacité de broyage, de la finesse et de la régularité de mouture.¹¹

USX198
«Coffee Mill», premier brevet connu d’un moulin à café manuel, modèle mural avec meules plates. Thomas Bruff Senior¹², 8 janvier 1798 (USX198).
US303708 et US331683
«Grinding mill», brevets de H.H. Coles, 19 août et 13 décembre 1884 (US303708 et US331683).
US636124A
«Coffee or Grain Mill», brevet de C.U. Farrar, 16 mai 1898 (US636124A).
US953250 et US953251
«Coffee Mill», brevets de F. Bartz de la J.Deer Company, productrice des moulins ‟Royal Electric”, 7 avril et 7 décembre 1905 (US953250 et US953251).
US1089413A
Grinding-disks for Coffee-Mills and the like» H.L. Johnston de la Hobart Electric Manufacturing Company, 22 mai 1911 (US1089413A).
US1262636A
«Coffee Mill Burs», brevet de J.F. Carson de la Cleveland Electric and Machine Manufacturing Company, 11 septembre 1914 (US1262636A).
US1306610
Grinding Mill», brevet de Charles Morgan de la Arcade Manufacturing Company, 7 juin 1918 (US1306610).

Les allemands étaient des acteurs majeurs dans la fabrication des premiers moulins, eux qui confectionnaient les mécanismes des moulins Français jusqu’à la fin du XIXe siècle. Ils ne se laissent pas vraiment distancer par l’arrivée des moteurs électriques puisque différentes entreprises allemandes jouent un rôle important dans leur évolution: Mahlkönig pour les modèles industriels, mais aussi AEG, Paul Kaack, Fabke ‘Rapid’, Zellweger Perl, PE-DE et surtout l’entreprise Walter Voigt de Dresde.

Différents modèles de moulins électriques allemands de 1925 à 1939
Différents modèles de moulins électriques allemands de 1925 à 1939.[Source : Ian Bersten]

L’entreprise AEG (« Allgemeine Elektricitäts-Gesellschaft », division allemande d’Edison à l’origine) produit en 1911 un moteur électrique compact de près de 100W (1/8 de CV) tournant à 80 tours par minute, des caractéristiques suffisantes pour actionner un petit moulin à café. Ce type de moteur est proposé pour être adapté sur des moulins manuels « traditionnels » (comme le fait Peugeot sur des modèles de 1923-1926), avant de trouver une place à part entière et constituer une nouvelle classe de moulins à café : les électriques domestiques.

Moulin électrique AEG, 1911
Moulin électrique AEG, 1911. [Source : Ian Bersten]
Moulins électriques Peugeot de 1923/1926
Moulins électriques Peugeot de 1923/1926. [Source : Ian Bersten]

En 1931, des modèles très compacts sont produits par Peugeot : les modèles « domestique » et « hôtel ». Ils utilisent encore un moteur excentré et une courroie pour entrainer les meules et sont capables de moudre 40 à 80 grammes de café par minutes.

Moulins électriques Peugeot de 1930/1931
Moulins électriques Peugeot de 1930/1931. [Source : Ian Bersten]
Moulins électriques Legrain et J.Gros, 1920-1930
Moulin électrique Legrain et J. Gras (fin des années 20). [Source: Ian Bersten et AICMC]

Dans les mêmes années, deux modèles très similaire sont produits l’un par une firme française (non identifiée) et l’autre par Marelli, une très importante entreprise italienne d’appareils électriques (fabriquant divers produits, allant d’énormes transformateurs électriques aux premiers ventilateurs domestiques). Le modèle français est peut-être issu des établissements Legrain (nom prédestiné s’il en est) établis au 15, rue Bichat à Paris (anciennement Lefevre et Legrain) ou J. Gras qui avaient produit un modèle dans les années 20 qui présente des similitudes dans la conception. Les modèles italiens Marelli sont vendus par Velox et Simerac pour accompagner leurs petites cafetières.

Moulins électriques français et italien (Primo Marelli), 1920-1930
Un des tout premier moulin électrique français (marque non identifiée, fin des années 20) et modèle primo Marelli (années 30). [Collection privée de Ian Bersten]
Publicité pour la cafetière express Velox et le moulin électrique Primo Marelli, 1934
Publicité pour la cafetière express Velox et le moulin électrique Primo Marelli, 1934.
Modèle Primo Marelli (années 30)
Modèle Primo Marelli (années 30).

Peu après, les moulins muraux deviennent à leur tour électriques, souvent équipés de moteurs similaires à ceux utilisés pour les essuie-glaces Renault ou Citroën. Cela est assez logique dans la mesures où la Parisienne S.E.V., une des marque phare de ces moulins, signifie « S.A. pour l’Équipement Électrique des Véhicules (Industriels) ».

Évolution des moulins électriques muraux des années 1930 à 1950
Évolution des moulins électriques muraux des années 1930 à 1950. [Sources: Ian Bersten, INPI]
Brochure du modèle « Type 50 » de S.E.V., 1950
Brochure du modèle « Type 50 » de S.E.V., 1950.

Le retournement de situation

L’entreprise allemande Voigt (Walter Voigt G.m.b.H.), établie à Dresde, produit des moulins à café depuis de nombreuses années, allant des modèles cubiques en bois aux modèles muraux en fonte comme ceux produit par les entreprises américaines.

DE509800A
«Kaffeemühle mit einem auf einer Motorwelle befestigten Mahlkegel», brevet Walter Voigt, 6 avril 1928 (DE509800A).
Publicité Walter Voigt de 1930
Publicité Walter Voigt de 1930 (dans un français très approximatif).

L’entreprise dépose en 1928 un brevet de moulin électrique compact (le `Type 28´) qui se décline au fil du temps jusqu’à aboutir en 1932 à l’un des tout premiers moulins commercial présentant un moteur à la verticale, et le premier l’intégrant dans le châssis du moulin comme la majorité des moulins électriques modernes.

Modèles Voigt de 1932
Modèles Voigt de 1932, dont le premier comportant le moteur intégré à la verticale dans le corps du moulin.

En fouillant un peu, on trouve un brevet antérieur qui présente un moteur compact placé à la verticale, mais dans la partie supérieure du moulin. Ce brevet a été déposé le 29 novembre 1915 par Edward J. Bodey de Cincinnati (inventeur, quelques années plus tôt, d’un aspirateur électrique qui lui a peut-être inspiré cette configuration).

US1213149
«Grinding Machine», brevet de Edward J. Bodey, 29 novembre 1915 (US1213149).

Il existe aussi cet autre brevet assez étrange de deux marseillais, Charles Foglia et Léon Roger, propriétaires semble-t-il d’un magasin d’ustensiles de cuisine ou d’une quincaillerie située au 2, rue Sainte. Ils avaient déposé en 1923 un brevet pour une chaise pliante qui tient dans la poche et un modèle d’un « ustensile destiné à la cuisson des aliments à l’étouffée » en 1932. En 1924, ils déposent un brevet pour un « Moulin-broyeur pour café ou toute autre matière », qui peut être considéré comme l’ancêtre des moulins à palettes sauf que les pales sont des sortes de marteaux ou des boules destinées à concasser le café qui est ensuite passé à travers un tamis (carter dans la partie du bas) pour obtenir la mouture voulue. L’axe est entrainé par un moteur électrique, placé lui aussi à la verticale et sur le dessus, de très petite taille car cette méthode demande moins de force qu’un moulin « convenitonnel ».
Le modèle était habilement nommé « Mou’vit », c’est en tout cas ce nom qui est mentionné en juillet 1933 dans la revue spécialisée « La Machine moderne ».

FR599425A
«Moulin-broyeur pour café ou toute autre matière», brevet de Foglia et Roger, 27 mai 1925 (FR599425A).

Il n’en reste pas moins que la configuration de Voigt (en bas à gauche sur les modèles de 1932), qui parait si naturelle aujourd’hui, aura pris plus de 30 ans d’évolution des moulins à café électrique avant de voir le jour. Cette conception va devenir omniprésente dans les années suivantes, notamment en Italie où l’action va se déplacer pour le prochain épisode.

À suivre…

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⁹ Un certain Wilhelm Rief, électricien de Hambourg, avait déposé un brevet antérieur (le 7 octobre 1903, numéro US780729) mentionnant un « moteur » mais sans spécifier s’il était électrique ou à vapeur.
¹⁰ Dayton faisait partie des entreprises ayant été regroupées sous le nom de « Computing Scale Company », précurseur de la compagnie « International Business Machines » (IBM). Il existe ainsi des moulins de marque IBM… merci à Thierry Prieux de l’AICMC pour l’anecdote.
¹¹ Inventeur chevronné, il a été le dentiste d’un des « pères fondateurs » et grand amateur de café, Thomas Jefferson troisième président des États-Unis (voir Thomas Jefferson: Coffee’s secret Godfather).
¹² Pour un répertoire quasi-complet des brevets sur les moulins à café, voir le site de l’AICMC et le site d’avianwd (avec vignettes).
 
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Publié par le 3 avril 2016 dans Histoires et Histoire

 

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